Treize personnes secourues en mer à la suite d'un dramatique accident au large de Marseille

Une vedette a percuté un bateau de plon­gée le 9 septembre 2023, au large de la cité phocéenne. L’ac­ci­dent a fait treize bles­sés, dont quatre en état d’ur­gence abso­lue. L’in­ter­ven­tion rapide de parti­cu­liers, puis des marins-pompiers sur la SNS 152, a permis d’évi­ter le pire. Témoi­gnages.

Passagers du Diplodus à l'eau
De nombreux passagers du "Diplodus" ont chuté à l’eau lors du choc. Certains, blessés, tentent ici de rejoindre le "Monte Cristo" © D. R.

Le bout du monde, à 2 kilo­mètres du centre de la popu­leuse Marseille. Le cap Croi­sette est un lieu aussi beau qu’aus­tère. Depuis la mer, ce ne sont que rochers blan­chis par le soleil et maigres buis­sons secoués par le vent. Ses eaux turquoise sont autant prisées des plai­san­ciers que des plon­geurs, atti­rés par la riche vie aqua­tique qu’elles abritent.

Il est bien­tôt 17 heures, ce samedi 9 septembre 2023. Cheveux poivre et sel ébou­rif­fés par le vent, Sébas­tien Tinard est aux commandes de la Monte Cristo. Le quinqua­gé­naire, à la tête de l’en­tre­prise Archi­pel Plon­gée, utilise cette vedette de 12 mètres pour faire décou­vrir les fonds marins à ses clients. Il rentre d’ailleurs d’une sortie avec vingt-huit personnes à bord, dont cinq moni­teurs.

Alors qu’il traverse l’étroite passe qui sépare le cap Croi­sette de l’île Maïre, il est doublé par une vedette de plai­sance d’une dizaine de mètres, dans laquelle sept personnes ont embarqué. «  J’ai trouvé la manœuvre curieuse, il y a très peu d’eau à cet endroit-là », se souvient Sébas­tien Tinard. Sorti de la passe, l’autre bateau « accé­lère fort ».

« J’ai compris que ça allait être terrible  »

Mais le barreur s’aperçoit tardi­ve­ment que plusieurs personnes en paddle se trouvent sur son chemin. Il bifurque bruta­le­ment pour les éviter et fonce droit sur le Diplo­dus. Quatorze plon­geurs ont pris place dans ce bateau en bois pour une jour­née de comp­tage des mérous. « Il va lui rentrer dedans  », se dit instan­ta­né­ment Sébas­tien Tinard, qui a un « moment de sidé­ra­tion » avant le choc. «  Il a décollé en passant par-dessus le bateau de plon­gée, dont il a arra­ché la cabine, pour­suit-il. J’ai compris que ça allait être terrible, qu’il y aurait des bles­sés, et j’ai tout de suite mis les gaz pour les rejoindre.  »

Quelques secondes plus tard, le patron d’Ar­chi­pel Plon­gée est au cœur du chaos. «  Il y a des débris partout sur l’eau, des gens qui crient, d’autres qui sont hagards, décrit-il. Sur les bateaux alen­tour, les gens sont bouche bée. J’ai immé­dia­te­ment appelé le CROSS1 , en leur disant que c’était une scène de guerre.  » Trois moni­teurs se mettent à l’eau. Les deux autres lancent des bouées vers les naufra­gés.

Six bles­sés, dont trois graves, sont rapi­de­ment hissés à bord du Monte Cristo. Un plon­geur – dont on appren­dra plus tard qu’il a le pancréas et un poumon perfo­rés – est incons­cient. Un autre a les deux fémurs cassés. Heureu­se­ment, Sébas­tien Tinard et ses moni­teurs sont formés aux premiers secours. Sans comp­ter que, parmi ses clients, se trouvent un pompier, un secou­riste et deux mili­taires.

Ils réagissent très vite : on fait de la place pour allon­ger les bles­sés, on déballe le maté­riel médi­cal, on sort les bouteilles d’oxy­gène. Une fois les soins d’ur­gence effec­tués, il faut attendre que les secours arrivent. « Je sais qu’ils sont en chemin, qu’un héli­co­ptère doit inter­ve­nir avec un méde­cin à bord, témoigne Sébas­tien Tinard. Mais on patiente, on patiente, et c’est très compliqué dans la tête car on ne peut rien faire de plus.  »

Débris du Diplodus
Les sauve­teurs de la SNS 152 ont aperçu des débris du Diplo­dus avant de décou­vrir l’épave et les bles­sés © D. R.

La SNS 152 de la SNSM, premier bateau de secours sur place

Le premier moyen de secours à arri­ver sur place, quinze minutes après le choc, est la SNS 152 La-Bonne-Mère-de-Marseille. Cette vedette de la SNSM est armée par cinq marins-pompiers, qui ont levé l’ancre dès l’ap­pel de secours reçu. Leur caserne se trouve sur le port. « Nous sommes partis en urgence sans aucune idée de la gravité de la situa­tion, précise le premier maître Grégory2, patron de la vedette. Au départ, en voyant les débris dans l’eau, on a pensé que l’em­bar­ca­tion avait coulé. Puis on a aperçu le bateau, complè­te­ment disloqué. Il ne restait que la coque et une personne assise au milieu.  » Le patron de la SNS 152 demande au semi-rigide des pompiers qui vient de le rejoindre de lui porter assis­tance.

Car, au même moment, un navire de plai­sance s’ap­proche de la vedette. Il trans­porte une femme de 69 ans, qui hurle. Elle se plaint de douleurs au thorax et présente une plaie béante à la jambe. Les secou­ristes la prennent en charge. Pendant ce temps, le premier maître Grégory remarque le Diplo­dus au loin. Son équi­page lui fait de grands signes.

Dans ces moments-là, il n’y a pas de place pour les émotions. On est en mode automatique.
Premier maître Grégory
Patron de la vedette "SNS 152" de la SNSM de Marseille

« Je comprends qu’on a affaire soit à une colli­sion, soit à une explo­sion, avec de nombreuses victimes et poten­tiel­le­ment des personnes à la mer », écrira-t-il dans son rapport d’in­ter­ven­tion. Il requiert instan­ta­né­ment des renforts et demande qu’un groupe de secours à personnes s’ins­talle au port de la Pointe Rouge pour trai­ter les bles­sés qui seront dépo­sés à terre. La victime, qui a reçu les premiers soins, est évacuée par un parti­cu­lier vers la côte. La SNS 152 doit rester sur les lieux « pour coor­don­ner les évacua­tions ».

La SNS 152
Les sauve­teurs prennent à couple le bateau en panne pour le rame­ner à son empla­ce­ment au port © Hervé Prévot

Les marins-pompiers n’ont pas de temps à perdre. Une vedette – dont ils ne savent pas encore qu’elle est impliquée dans l’ac­ci­dent – s’ap­proche. Elle trans­porte plusieurs personnes, dont trois Anglais victimes de «  plaies très, très graves ». Les secou­ristes commencent tout de suite les premiers soins sur leur bateau. Ils parent au plus pressé, désin­fectent, pansent les bles­sures les plus sérieuses, prennent les constantes des bles­sés. « C’est de la méde­cine de guerre, insiste le premier maître Grégory. On fait des actes rapides pour que la victime puisse être prise en charge au plus vite. » Un méde­cin est héli­treuillé sur la plage avant de la SNS 152. Il s’as­sure de l’état des trois Anglais avant qu’ils soient évacués, puis rejoint le Monte Cristo

Blessés pris en charge par les marins pompiers
Plusieurs bles­sés ont été pris en charge par les marins-pompiers sur la SNS 152 © D. R.

Un acci­dent « sans précé­dent » à Marseille

Sur le bateau de plon­gée, les bles­sés sont proté­gés par des couver­tures de survie. Certains poussent des gémis­se­ments à cause de la douleur, un autre est incons­cient. Toutes les trousses de survie ont été éven­trées et leur contenu a été rassem­blé selon l’uti­lité. Dans ce chaos orga­nisé, le méde­cin examine un à un les naufra­gés. L’un d’eux a le bassin brisé : le profes­sion­nel de santé décide de le faire évacuer par héli­co­ptère. La victime est treuillée depuis le toit de l’em­bar­ca­tion. Puis Sébas­tien Tinard a le feu vert pour amener les autres au port de la Pointe Rouge, où attendent d’autres méde­cins et des ambu­lances. « Enfin, lâche le patron du Monte Cristo. Cela faisait long­temps que nous étions sur l’eau, j’étais soulagé qu’ils soient pris en charge. »

Mais le moni­teur de plon­gée ne peut pas encore se repo­ser. Il doit dépo­ser ses clients à terre, avant de rentrer au port pour nettoyer et ranger le bateau. Et, une fois chez lui, diffi­cile de trou­ver le repos malgré la fatigue. « Ça a été compliqué de dormir pendant les deux-trois jours qui ont suivi », résume-t-il pudique­ment.

Cet acci­dent « sans précé­dent » dans les eaux de la cité phocéenne a aussi affecté les marins-pompiers de la SNS 152. « Ça a marqué les esprits » au sein de l’équi­page, indique le premier maître Grégory. « Autant de victimes épar­pillées dans l’eau, c’est rare. Heureu­se­ment, les déci­sions ont été prises rapi­de­ment et tout le monde a su garder son sang-froid. »

La personne aux commandes du bateau qui a percuté le Diplo­dus a été inter­pel­lée et placée en garde à vue dans la foulée de l’ac­ci­dent. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête et saisi la gendar­me­rie mari­time pour déter­mi­ner les circons­tances du drame. Au total, l’abor­dage a fait treize bles­sés, dont quatre en urgence abso­lue, qui ont heureu­se­ment survécu.

1– CROSS : centre régio­nal opéra­tion­nel de surveillance et de sauve­tage.

2– Les marins-pompiers de Marseille étant mili­taires, leurs noms de famille ne sont pas divul­gués.

Pourquoi la vedette de la station de Marseille est-elle armée par des marins-pompiers ?

La vedette SNS 152 est armée par des hommes du bataillon des marins-pompiers de Marseille depuis 1978. Une conven­tion a été signée entre la SNSM et la muni­ci­pa­lité car, compte tenu de la super­fi­cie de la ville, il était impos­sible de faire rallier un équi­page de sauve­teurs béné­voles pour appa­reiller dans un délai infé­rieur à vingt minutes, comme c’est le cas pour les autres stations de la SNSM. Les marins-pompiers, en revanche, disposent de locaux situés à quelques dizaines de mètres du quai d’amar­rage de la vedette. Ils s’en­traînent d’ailleurs chaque jour à bord de La-Bonne-Mère-de-Marseille, ce qui en fait le moyen le plus utilisé de tous ceux de l’as­so­cia­tion. Les béné­voles de la station de Marseille s’oc­cupent, pour leur part, de suivre l’ac­ti­vité de la vedette et d’ef­fec­tuer son entre­tien. Ils se chargent égale­ment de la recherche de fonds.

Comment réagir en cas d’abordage ?

Les conseils qui suivent donnés par Yann Deban, patron et forma­teur à la SNSM, peuvent paraître évidents. Mais mieux vaut les avoir en tête dans une situa­tion d’ur­gence. Ces recom­man­da­tions ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Adap­tez-les selon les condi­tions météo­ro­lo­giques, l’équi­page et les moyens dispo­nibles. Avant d’agir, analy­sez la situa­tion (nombre de victimes visibles, d’em­bar­ca­tions impliquées, états des bles­sés).

1. Proté­ger

Une fois que l’ac­ci­dent est défini, il ne faut pas créer de surac­ci­dent. Proté­gez votre embar­ca­tion et déli­mi­tez un péri­mètre de sécu­rité. Pour créer un bali­sage, vous pouvez utili­ser tous les objets flot­tants acces­sibles sur votre embar­ca­tion.

2. Aler­ter

Dans le même temps, aler­tez les secours, par le canal 16 de la VHF ou par télé­phone au 196. Si l’ur­gence est très impor­tante, passez un message Mayday. Durant l’ap­pel, préci­sez la posi­tion de l’em­bar­ca­tion et décri­vez la situa­tion.

3. Secou­rir

Les secours vont arri­ver. Mais vous pouvez peut-être agir en fonc­tion de vos quali­fi­ca­tions. Brûlures, chocs, hypo­ther­mies, noya­des… Tout dépend de la situa­tion. Faites votre possible pour aider les victimes de l’abor­dage.

Article rédigé par Nico­­las Sivan, publié dans le maga­­­­­­­­­­­­­­­­zine Sauve­­­­­­­­­­­­­­­­tage n° 166 (4e trimestre 2023)